Brogue, Adom, Caves of Qud


Intro

En venir à jouer aux Roguelikes par défaut fut un processus. Il faut le dire, ce genre niche n’est pas facile d’accès. Ce n’est pas du jour au lendemain que j’ai réussi à m’accommoder de graphismes ASCII, d’une jouabilité reposant sur des touches de clavier par dizaines, d’une difficulté souvent absurde et d’une interface abscons. Je terminais le billet précédent en nommant trois jeux qui m’on ammené à totalement adhérer au genre. Je leur consacre un paragraphe chacun mais pour être vrai, le premier déclic a été le rapport de log d’un combat dans Dwarf Fortress.

Dwarf Fortress

Dwarf Fortress est une référence . C’est un “jeu monstre” développé depuis 2002 par Tarn Adams et sorti en 2006 en early-access. Le jeu est actuellement toujours en développement actif.

Dwarf Fortress est avant tout un monde généré procéduralement dans un univers de Fantasy type Tolkien sur lequel sont greffés 3 modes de jeu : Un mode “Legend” qui est un ensemble de textes pour explorer le monde créé ; Un mode “Aventure” qui est un Roguelike dans le pur sens du terme ; un mode “Fortress” qui est un city-builder d’une forteresse de nains.
Les mondes genérés sont très impressionnants et toutes les interactions existant dans ceux-ci, de la création d’un lac lors de la génération du monde à la naissance d’un pnj pendant la construction de la forteresse, sont régies par des systèmes. Un pnj va naitre car ses parents se sont rencontrés lorsqu’ils se réfugiaient dans une caverne pendant une attaque d’une armée d’elf menée par un Roi fâché que les Dwarf ait coupé dans la région tous les arbres, ceux-ci souhaitant se protéger des fortes pluies et des inondations en créant un grand barrage en bois. Le compte-rendu des joueurs regorgent d’histoires similaires, beaucoup plus intenses, beaucoup plus tragique.

Tarn Adams a opté pour un mode de combat prenant en compte l’état des parties du corps. Toujours dans une vision systémique, en fonction de la validité d’une partie du corps le pnj agira différemment. Un estropié ne pourra plus se déplacer, un manchot ne pourra plus attaquer avec ses bras. Le jeu étant au tour par tour, un combat est une suite de phrases résumant l’action effectuée avec une précision dans les dommages causées, et c’est ainsi que l’on se retrouve avec des logs de combat horrible (particulièrement quand des enfants sont attaqués par des bêtes sauvages) mais fascinant à lire.

Apprenant que plusieurs autres Roguelikes employaient ce moyen de narration, sachant que beaucoup de mes meilleurs jeux ont des éléments de Roguelike, je me suis dit qu’il fallait que je joue à Rogue. Une recherche internet plus loin, j’apprends que Brogue est une version améliorée et accessible gratuitement. N’y cherchant pas plus loin, je l’ai lancé.

Brogue

Après avoir appris les rudiments du jeu sur quelques parties, j’ai commencé à avancer de plus en plus profondément jusqu’au jour où, alors que j’explorais prudemment un niveau à la recherche de l’escalier menant à l’étage suivant, je suis tombé sur un singe prisonnier de cordes. Je pouvais le laisser là, le tuer comme ses congénères irritants qui m’avaient attaqué auparavant, ou, le libérer. Je l’ai liberé pour apprendre à ma grande surprise qu’il m’avait adopté comme maitre et qu’il me suivrait partout. Il a été le meilleur compagnon possible, m’aidant à combattre sur plusieurs étages, progressant à grande vitesse, pour la première fois je maitrisais le jeu et je me projetais de ramener l’amulet de Yendor sain et sauf. Je lui devais beaucoup. Seulement, et sans raison apparente, peut-être s’est-il lassé, alors que je dormais, il m’a volé un item précieux à la progression et a disparu. En le voyant partir, je n’ai pas compris sa traitrise au premier abord, j’ai essayé de le suivre et j’ai réalisé l’erreur en tombant sur un camp de gobelins dont l’un d’eux était un illusionniste s’entourant de lames spectrales. Il n’a fait de moi qu’une bouchée, mais c’était peu en comparaison de la perte de mon ami.

Le jeu est un freeware disponible à cette adresse -> https://sites.google.com/site/broguegame/
On peut jouer gratuitement aux versions Windows, Mac et Linux et y laisser quelques deniers pour les versions iPad et android.

Développé par Brian Walker depuis 2009, la dernière update à l’heure où j’écris date de septembre 2018. Se disant suite officieuse de Rogue, le but est de traverser 26 étages d’un souterrain pour récupérer l’amulet de Yendor puis de retourner à la surface. Supplément du jeu, tout joueur cherchant plus de challenges peut continuer après le 26e étage à la recherche de pierres lunaires.

Très classique dans son approche, il est un des roguelike les plus accessibles. Il a pour lui ses graphismes, son interface, la génération des levels et la gestion des items.
C’est drôle de dire que les graphismes sont jolis quand on se trouve face à une map remplie de caractères alphabétiques, mais c’est le cas. Par l’utilisation d’un effet de shimmering sur les surfaces correspondant à la lave ou l’eau, sur le choix des couleurs pour l’environnement, sur la superposition de caractères pour simuler les gaz, et enfin sur la ligne de vue permettant de voir les décors se révéler à longue distance à travers des failles dans la roche. Le jeu est pétillant et semble vivant.
À cela, son interface couvre toutes les questions que peut se poser un joueur. Sur le haut de l’écran, quelques lignes de log correspondant aux actions du joueur, exactement ce qui me plaisait dans Dwarf Fortress. Au bas de l’écran, quelques boutons pour accéder au menu d’inventaire ou pour explorer la zone. Et enfin, sur la gauche de l’écran, les informations basiques sur le joueur sont succédé par les informations de tous les ennemis que celui-ci a dans sa ligne de vue. Un “m : Monkey” permettra de savoir que le “m” situé sur la map est un singe et en cliquant dessus via la souris, une description précise de celui-ci s’affichera ainsi que la probabilité de sortir vainqueur du combat.

Cette facilité de prise en main est couplé à une génération de levels assez bluffante. Beaucoup de roguelike ne sont qu’enchevêtrement de salles rectangulaires liées par des couloirs. Ici, ce sont vraiment des cavernes qui sont générées avec ces lacs souterrains, ces salles remplies de végétations, celles possédant des mécanismes, des tunnels, des gouffres, des ponts les surplombant tel le Khazad-dûm à l’intérieur de la Moria.
Cette vidéo Youtube explique le processus de création, beaucoup de travail.

Derniers points positifs que j’aimerais aborder ce sont les centaines d’items existants. Armes, armures, potions, parchemins, baguettes et anneaux magiques, etc, tous ont des caractéristiques spécifiques et nombreux ont des sortilèges associé et dévoilé au joueur que lorsque celui-ci les utilise. On ramasse tout objet et chaque fois il y a ce doute à l’utiliser. C’est ici aussi une mécanique récurrente au genre et rendant le résultat d’une partie totalement inconnue.

Le petit point bonus que l’on retrouve dans plusieurs Roguelike est que tout le donjon est généré selon une clé. Il suffit d’avoir cette clé (seed) pour réinitialiser exactement le même donjon. À partir de là, on peut soit s’entrainer à parcourir le même donjon ou entrer en compétition avec la communauté pour connaitre qui aura le meilleur score.

Brogue est vraiment le jeu que je conseille à tous ceux qui veulent débuter le genre. Il est le Roguelike par définition.

Ancient Domains Of Mystery

Je suis un Elf gris specialisé en combat de bêtes, né dans le mois de l’arbre, je suis inflexible et traditionaliste. Je me suis avancé dans la profondeur de la chaine de montagne Drakalor à la recherche de la source du chaos. Au premier village, une petite fille m’a demandé de retrouver son chien égaré près d’une grotte à quelques kilomètres au Nord. J’y suis entré, la première salle cachait un passage secret menant plus profondément dans la montagne. J’ai trouvé le chien, il était mort, je me suis retourné, je me suis fait tuer.
Ce n’est quand même pas simple les Roguelike.

S’il faut un mot pour définir ADOM, c’est bien “profusion”.
Une grande carte à explorer, rempli de villages, de donjons, de quêtes avec ces trésors en récompenses. Des armes et armures par centaines, de très nombreuses magies, de très nombreux ennemis, un contenu paraissant infini.
C’est simple, le premier pas dans ADOM est la sélection du personnage et le choix parmi une douzaine de races ainsi qu’une vingtaine de classes. Ces deux éléments affectant de nombreuses statistiques, on joue différemment un prêtre d’un archer comme un elf d’un humain. Le premier choix donné est donc un choix parmi près de 250 combinaisons possibles.

Développé par Thomas Biskut à partir de 1994 puis mis en pause en 2003, le jeu est sorti de son hibernation en 2012 grâce à une campagne de financement à succès, à hauteur de 90.000$ ce fut la plus grosse pour le genre. Depuis les mises à jour ce son succédé apportant nouveaux items, artefacts, quêtes, classes, races, maps, et côté graphismes des sprites, boutons pour l’interface, et une intégration à Steam avec son système de récompenses. À l’heure où j’écris, la dernière update date du 2 janvier 2018 et le jeu se porte à merveille.
On trouve le jeu sur steam et le site web officiel est à cette adresse -> https://www.adom.de/home/index.html

Exception pour le genre, il se permet même d’avoir une histoire détaillée. Je ne suis pas encore allé assez loin dans le jeu pour vous la décrire plus en profondeur mais je reviendrai faire un article. Ce que je sais est que les quêtes données m’envoyaient dans des donjons générés procéduralement comme le veut le genre. Ici, classique dans la forme par rapport à Brogue avec une génération d’une suite de couloirs et de salles. La particularité du jeu est que chaque donjon est généré une fois puis est gardé en mémoire. On peut ainsi abandonner un donjon en cours d’exploration pour diverses raisons et y revenir plus tard dans la partie pour retrouver les étages nettoyés tels qu’on les avait laissés avec le même agencement des salles. Si par contre, on retourne dans ce donjon lors d’une tout autre partie, le donjon sera généré différemment et ce sera un tout nouveau défi à l’explorer.

Comme si on suivait l’évolution du genre Roguelike, je conseille de jouer à ce jeu après Brogue. Comme Moria en son temps à ajouter des races et classes de personnages par rapport à Rogue, ici aussi, par rapport à Brogue, la caractérisation de son personnage est beaucoup plus poussée. De même, la map était immense, l’explorer, y rechercher les quêtes, parcourir les villages, on joue une grande aventure.

Je finis avec une anecdote qui m’a fait sourire en lisant la fiche de description du jeu. Il existe deux versions du jeu à télécharger. Celle incluant les sprites et musiques fait 550 Mo, mais, pour les puristes souhaitant jouer avec les graphismes ASCII du jeu comme en 1994, la version ne fait que 2Mo.

Je finis avec une anecdote qui m’a fait sourire en lisant la fiche de description du jeu. Il existe deux versions du jeu à télécharger. Celle incluant les sprites et musiques fait 550 Mo, mais, pour les puristes souhaitant jouer avec les graphismes ASCII du jeu comme en 1994, la version ne fait que 2Mo.

Caves of Qud

Après un long voyage je suis arrivé à Kappir au 14e jour de Tebex Ut. Besoin d’eau, je suis parti à la recherche d’un travail et le chef du village, Syrem Si-Bas le Sophic, m’a proposé d’aller enquêter à quelques lieues où des vignes se faisaient ravager par des bêtes sauvages non identifiées. Arrivée au point de leurs dernières apparitions, je suis tombé sur grotte et je m’y suis engouffré pour de suite trouver les coupables, une dizaine de snapjaw. Je n’en ai fait qu’une bouchée brandissant une hache dans chacun de mes 6 bras. Dans un recoin de la caverne, une entrée menait plus en profondeur, j’ai pris l’escalier descendant dans l’espoir d’y trouver un peu d’eau dissimulée. Mauvaise idée, à peine arrivée une grenade tombe de nulle part et explose ma seconde tête. L’ennemi ayant envoyé ce projectile n’arrivant pas de suite, je me suis créé un clone et j’ai projeté dans celui-ci mon esprit afin de retrouver un corps valide. N’ayant pas toutes mes facultés lors du clonage, ce nouveau corps était faible et j’ai donc décidé de manger mon ancien corps pour récupérer un peu de santé. Je me suis enfui rapidement vers le village toucher ma récompense. Je reviendrai bien plus tard dans cet endroit maudit, j’ai une revanche à prendre.

Weird, et le mot qui revient souvent pour décrire ce jeu.
Caves of Qud, c’est ce jeu en early access loin d’être fini que je ne lâche pas depuis des mois. Un univers post-apocalyptique où les mutants croisent des animaux anthropomorphes, où l’on peut jouer des personnages avec des jambes finissant par des roues, des bras équipés de pinces, des dards, de tentacules, des pouvoirs psychiques de pyromanies, de téléportation, etc. De nombreuses factions entrent en jeu, créé à partir de l’espèce animal, sa religion ou son lieu d’habitation, et tisser des relations avec toutes les personnages. On peut se retrouver ennemi avec un personnage important pour notre aventure parceque l’on aura sympathisé tout au début de celle-ci avec un pnj qu’il n’apprécie pas. Qu’a cela tienne, on s’en débarrassera et on trouvera d’autres quêtes à accomplir.

Développé par Freehold Games composé de Brian Bucklew et Jason Grinblat, le jeu a commencé à être développé en 2007 pour une sortie en early access en 2015.
Il se retrouve sur steam, itchio et le site officiel est à cette adresse -> http:/www.cavesofqud.com/
En plus d’avoir un jeu excellent, j’y reviens, ils ont pour aider leur succès leur professionnalisme avec un rythme d’édition qui fait que tous les vendredi une nouvelle update est disponible. La communauté reçoit alors un résumé des nouveaux ajouts quel test et commente de suite. Le dernier log, en date du 18 janvier, comprenait l’ajout de 70 nouveaux ennemis, de nouveaux items, de nouveaux éléments de décor, et une pelletée de correction de bugs. En une semaine de travail c’est très impressionnant.

Encore une fois, et bien que j’ai l’air de me contredire à chaque fois que je répète que ce n’est pas le plus important, je souligne que les graphismes sont vraiment jolis. Sprites minimalistes, teinte verte générale ambiance Matrix, effets de scanlines tout le long de l’écran, effet de vignette sur les bords de l’écran, effet de shimmering pour les rivières, fines particules pour les feux de camp, etc.

Pour continuer sur l’ambiance, une fois n’est pas coutume, la musique du jeu est aussi exceptionnelle. Une musique midi accompagne souvent les titres du genre, là, où, on est dans une musique tout électronique avec des effets de synthétiseurs collants au thème et des enregistrements en binaural. À jouer avec un casque pour s’y plonger entièrement.

Ici, la particularité du jeu est l’emphase mise sur la génération procédurale du scénario. Utilisant les lieux créé et nommé lors de la génération procédural du monde, il introduit des éléments d’histoires et crée des textes humoristiques, de la poésie, tout un ensemble de corpus augmentant le lore et disponible directement dans le jeu via les conversations ou directement les ruines des bibliothèques de notre temps.
Son créateur en parle mieux que moi dans cette vidéo Youtube.

Si on voit depuis des dizaines d’années le genre Roguelike évoluer de jeux en jeu, Caves of Qud en est la dernière itération.
Statut early access oblige, son interface n’est pas terminée, il n’a pas de tutoriel, il manque encore du contenu et il est extrêmement difficile, si bien qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains sans disclaimer mais il saura comblé ceux qui recherche une aventure qu’ils ne trouveront nul part ailleurs.

Résumons

Roleplay, c’est ce qui me fait en premier lieu rentrer le plus dans ce genre. J’ai vraiment l’impression que c’est moi qui dirige la destinée du personnage dans ces univers et non pas qui la subit selon la bonne volonté d’une gamme designer têtu. Je me prends au jeu avec ces graphismes ultra-simples, tel que l’univers adoré que l’on s’imagine en lisant un livre et que l’on trouve quelquefois décevante dans son adaptation cinématographique.

Les graphismes ASCII (ou ceux avec de simple tileset) et l’interface rudimentaire sont l’alpha et l’oméga du genre. Créé un jeu demande énormément de temps. Raphaël Colantino, le fondateur d’Arkane studios, disait lui-même qu’une des raisons de son départ de sa société était que pour intégrer une pomme dans le jeu Dishonored, ils avaient besoin de 2 semaines de développement. Je n’ai pas de mal à le croire. Entre la gamme designer écrivant l’idée, le graphiste 3d modélisant la pomme, un autre graphiste la texturant, puis un ou deux codeurs paramétrant son comportement et enfin la debug team testant la pomme dans toutes les situations possibles, si en plus, chacun des membres de l’équipe sont espacé par des milliers de km, c’est largement deux semaines qu’il faut pour cet ajout. Le développement d’un Roguelike classique, en toute petite équipe qui plus est, ce sont toutes ces étapes qui sautent. Nul besoin de graphismes chatoyant, de 3d bluffantes, de shaders pétillants, d’animations réalistes, tout ce temps gagné est consacré à la création du jeu et quels jeux !

Des centaines d’items pour Brogue, des dizaines de classes et de races de personnages aux gameplay complètement différents pour ADOM, des possibilités de mutations infinies pour CoQ, de grands open-world avec des dizaines de factions interagissant entre elle, des combinaisons de pouvoirs magiques, du gameplay émergeant, vivre des situations insensées, être libre de ces choix, c’est ce qu’offre le genre Roguelike, je ne suis pas prêt de le lâcher.