Je joue à「Caves of Qud」


Préambule

Cette semaine, je change un peu la formule actuelle des reviews hebdomadaires. Mon envie cette année est de féliciter des créateurs de jeux vidéo pour leurs oeuvres. J’en ai alors profité pour privilégier les petits auteurs, ceux qui n’ont pas de présence médiatique, seulement je joue aussi à des immanquables. J’ai donc décidé de créer de nouvelles catégories au nom mal défini comme dans la grande tradition des magazines de jeux vidéo. La série “Et si je jouais à「…」” correspond aux jeux créé par des petits artisans à leur manière, les jeux que je découvre. A l’inverse du spectre, la série “Je joue aussi à「…」” discute de ceux possédant une forte présence médiatique. Enfin, la série “Je joue à「…」“, que j’inaugure ici, est un entre-deux, des jeux connus par leur public cible, des jeux que souvent j’adore, mais qui ne sont pas forcément beaucoup médiatisé, ce sont pour moi les roguelikes, les wargames, les d-rpg et, depuis peu, les shmups.

 

Je commence donc cette série de “Je joue à「…」” par Caves of Qud. Ce n’est pas la première fois que j’écris sur ce jeu ici. J’en ai fait part après avoir discuté de ce que je trouve de fascinant dans les roguelikes, j’y avais créé une liste des titres que j’aimais ainsi qu’un article spécifique sur mon top 3 où il y était inclus. C’est un des jeux qui m’influence le plus, dont j’ai beaucoup de respect envers ces créateurs, et forcément quand l’émission hebdomadaire de gamekult l’aborde et que son présentateur n’à que des rires gogenards à sa vue malgré que le journaliste ait bien precisé que “c’est le meilleur roguelike auquel j’ai joué de ma vie“, j’ai envie d’y rajouter mon grain.

Mettons un peu l’ambiance

Il y a quelques années, j’ai introduit Caves of Qud dans mon top 3 par le récit d’une de mes partie. Le relire, me fait rire et rêver à la fois, rêver d’espaces lointains de retro-futurisme, de science-fiction apocalyptique. Je le recopie ici en incluant la bande originale. Ecoutez ces musiques venues d’un autre temps en lisant ce texte et plongez dans cet atmosphère :

Après un long voyage je suis arrivé à Kappir au 14e jour de Tebex Ut. Besoin d’eau, je suis parti à la recherche d’un travail et le chef du village, Syrem Si-Bas le Sophic, m’a proposé d’aller enquêter à quelques lieues où des vignes se faisaient ravager par des bêtes sauvages non identifiées. Arrivée au point de leurs dernières apparitions, je suis tombé sur une grotte et je m’y suis engouffré pour de suite trouver les coupables, une dizaine de snapjaw. Je n’en ai fait qu’une bouchée brandissant une hache au bout de chacun de mes 6 bras. Dans un recoin de la caverne, une entrée menait plus en profondeur. Ma mission était terminée mais ma curiosité m’a emporté vers l’escalier dans l’espoir d’y trouver un peu d’eau dissimulée. Quelle idée, à peine arrivée une mine fait exploser ma seconde tête et emporte une bonne partie de mon corps. Le bruit de l’explosion rameutant des ennemis lointain, je me suis empressé de créer un clone et j’ai projeté dans celui-ci mon esprit afin de retrouver un corps valide. N’ayant pas retrouvé toutes mes facultés lors du clonage, j’ai décidé de manger mon ancien corps pour récupérer un peu de santé. Je me suis enfui rapidement vers le village toucher ma récompense. Je reviendrai bien plus tard dans cet endroit maudit, j’ai une revanche à prendre.

Cele ne donne pas envie ?

Si effectivement, cela ne donne pas envie, vous pouvez arrêter la lecture ici. A l’inverse et en tentant d’éviter le plus que possible d’être pédant, si vous n’avez jamais touché à un roguelike (je parle de adom, brogue, dcss, tome 4, nethack, cogmind, etc) ce genre de récit vous ai très rarement arrivé dans un jeu vidéo. Bien entendu, je dois crever l’abcès avant de continuer et reprendre la phrase du journaliste de gamekult : “la carte graphique est l’esprit du joueur”.

On ne va pas se mentir, c’est difficile pour des personnes qui ne voit le jeux vidéo que par le prisme de ce que les dernières consoles abreuvent de s’imaginer qu’ils pourraient vivre de plus grandes epopées dans des jeux en ASCII que dans le dernier AAA à la mode.

C’est pourtant ce que proposent Brian Bucklew et Jason Grinblat avec leur studio Freehold Games et ce depuis l’early access débuté en 2015 où depuis ils mettent à jour quasiment chaque semaine leur œuvre.

Quand ils parlent, on écoute.

Un roguelike “traditionnel” est un rpg où le joueur dirige un personnage explorant des donjons. Je vous invite à jouer à Rogue dans votre navigateur pour connaître l’ascendant du genre mais l’on peux donner une définition simple en décrivant les features que l’on y retrouvent habituellement. L’interface est en ASCII (une scène de jeu est un tableau de caractères, le “@” pouvant être le joueur, le “g” un goblin, le “b” une chauve-souris, etc), la mort est permanente, les déplacements se déroulent au tour par tour, etc, et pour finir, une bonne partie du jeu est généré procéduralement. C’est sur ce dernier point que les créateurs de Caves of Qud excellent.
 
Il faut avoir en-tête que garder un aspect graphique simple permet aux développeurs de concentrer leurs efforts sur des aspects négligé habituellement car bien trop complexe à recréer graphiquement. Si le boss que l’on rencontre dans un AAA qui à de multiples patterns d’attaques nécessitant des mois de travail pour être modelisé, texturé, animé puis codé peut se résumer par un “t” au milieu de la map, c’est autant de mois, voir d’années de gagné que l’on peut passer sur ce même boss pour lui créer une vie sociale, des amis, une famille, un emploi du temps que le joueur peut user lors de son passage à l’acte d’éradication.
 
Dans Caves of Qud il est donc question de créer un personnage avec une combinaison de plus de 70 mutations (plusieurs têtes, vision nocturne, crochet au bout des membres, cracher du gaz corrosif, ailes, etc), un open world gigantesque (vraiment, sans rire, une map ce parcours en plusieurs minutes, il y en a plus de 1 millions), plus de 60 factions (des singes, des crabes, des plantes, des cyborg, etc) et un lore conséquent basé sur des histoires écrites à la main et mixé par de la génération procédurale.
 
Toutes ces features sont comprises dans un environnement systémique. Une idée parlante de ce terme est de prendre en exemple le dernier Zelda, breath of the wild, qui l’est aussi : les orages dans ce jeux sont attirés par les objets métalliques, une façon d’éliminer un groupe d’ennemis est d’alors de déposer une épée au milieu de celui-ci et de patienter qu’un éclair tombe sur l’épée électrocutant tout ce qui l’entoure. De telles interactions sont constantes dans Caves of Qud et il n’est pas rare de lire des récits de joueurs accomplissant leur mission en prenant psychiquement possession d’ennemis et en les obligeant à détruire des murs retenant des torrents de laves s’abattant sur leur camp.
 
Le mieux est d’écouter eux-même en parler :
 
Dans cette vidéo Brian Bucklew explique le construction de son moteur de ces jeux basé sur le pattern ECS (Entity-Component-System), une façon de coder son code aidant à la systematization du monde.
 
Dans celle-ci, il vient plus en détail sur l’intelligence artificielle.
 
Dans cette vidéo, c’est Jason Grinbalt qui décrit comment fonctionne le lore généré procéduralement.
 
Dans cette vidéo très technique (encore plus que les autres) Brian Bucklew nous décrit comment sont générés les niveaux grâce à la “wave function collapse” qu’il a mis en place. Un système très interessant permettant de créer un niveau différent à partir d’un précédent niveau.
 
Dans cette dernière vidéo, les deux développeurs reviennent sur les systèmes de génération procédural qu’ils utilisent pour créer les villages incluant le lore de ceux-ci, la culture, le style architectural, les traditions des habitants, les habitants et les quêtes associées.

Conclusion

Avant de conclure, je dois faire une précision sur Brian Bucklew. Il est le co-fondateur de scriptlogic, un logiciel qu’il a revendu plusieurs millions de $ au milieu des années 2000. On a donc ici un ingénieur grandement compétent qui n’a aucune pression financière et qui mets ces connaissances au service de la création d’un roguelike. Excellent, que dire de plus.
 
Je suis totalement subjugué par ce jeu. Il est techniquement incroyable et d’une profondeur abyssale. Je me perds dans ce monde et leur roadmap décrit bien qu’ils n’en ont pas encore développé la moitié.
 
Je conçois totalement que son aspect abscons le rendent difficile d’accès, mais essayez-le et si vous tombez sous le charme vous allez découvrir un tout nouveau monde de possibilités.