Je vis depuis une dizaine d’années au Japon, à Tokyo depuis une demi-douzaine d’années, petite famille dans la proche banlieue et boulot de programmeur de jeux vidéo pour mobile. Je parle très peu de mon environnement pour la simple raison que d’autres blogs le font bien mieux que moi. Je pense à lejapon ou Kanpai.
Récemment j’ai lu quelques articles sur les salaires des employés à Nintendo et je ne lis pas souvent des informations concernant les emplois au Japon. On en trouve sur comment trouver un visa mais peu sur la recherche en elle-même. Je vais donc orienter l’article sur les choses à connaître sur le monde du travail japonais.
Disclaimer : Je vais écrire bien sûr en relatant mon expérience dans des sociétés de technologies. Dans un autre secteur, l’approche est probablement différente ce que je n’ai jamais expérimenté.
Curriculum Vitae
En tout premier lieu, le CV. Au Japon, il est normé. Il s’appelle le “rirekisho” (履歴書) et s’achète dans les convenient store ou autres papeteries. Il s’écrit à la main et à la moindre rature, il faut le réecrire.
En voici un exemplaire trouvé sur internet et décomposée en 7 sections :
- Nom et prénom, avec le sens de lecture écrit dans la partie supérieure, date de naissance, jour de l’écriture du cv, sexe, et une photo récente.
- Adresse, avec le sens de lecture écrit dans la partie supérieure, numéro de téléphone et email.
- Formation effectuée et expérience professionnelle. Indiquer les dates d’entrée et de sortie des établissements et entreprises. La formation la plus ancienne en tête de ligne.
- Diplômes et autres certificats.
- Loisirs et divers. Ici on apprend que le postulant aime le marathon et court 2 a 3 fois par semaine.
- Motivation ou le postulant indique pourquoi il souhaite entrer dans l’entreprise et ce qu’il y apportera.
- Déjà abordé dans le cinquième point.
En vrai, suite à un démarchage par une agence de recrutement, j’ai reçu une version tableur de ce formulaire. Depuis, je me suis toujours servi de ce fichier pour postuler et cela n’a pas posé de problèmes. Est-ce que c’est parce que je suis non-Japonais qu’ils ont accepté mes demandes ou est-ce que c’est parce que je postule dans des entreprises du jeu vidéo, je n’ai pas la réponse, toujours est-il qu’utiliser cette méthode informatique a fonctionné malgré les avertissements répétés des érudits.
Type de contrat
Il existe plusieurs types de contrats de travail et j’en dénombre 5 régulièrement utilisés :
- Arubaito (アルバイト) – Dérivé de l’allemand “arbeit” (le travail) et appelé plus souvent sous le diminutif “baito” (バイト), ce type de contrat est le plus précaire existant. Il a pour lui l’extrême facilité d’entrer et de sortir du contrat, il peut tout à fait arriver de passer un entretien et commencer à travailler dans l’heure qui suit celui-ci. L’inverse ce produit aussi. Ultra-précaire, il n’y a quasiment aucune cotisation sur ces contrats. Les salaires bruts et net sont très proches. Il est idéal pour tout étudiant souhaitant un job alimentaire en complément de ces études. Enchainer et cumuler les baito sur le long terme est une façon précaire de vivre mais je ne vais pas étendre le sujet aux défaillances du marché du ravail.
- Haken (派遣) – L’équivalent de l’agence de travail temporaire. L’employé en Haken reçoit le salaire de son agence qui le fait travailler (après un léger entretien chez les clients) dans des entreprises partenaires et souvent renommées.
- Freelancer (フリーランサー) – C’est le même principe qu’en France, le freelancer travaille à son compte pour des entreprises qu’il facture. La différence notable est que bien souvent l’employé travaille dans les locaux de l’entreprise sur le matériel de celle-ci. Là où j’ai souvent vu en France des freelancer graphistes travailler de chez eux et rendre leur travail via internet, ici, et bien que cela existe sûrement, je n’ai jamais vu aucun cas d’indépendance du lieu de travail.
- Keyakushain (契約社員) – L’équivalent du CDD que l’on traduit par “employé sous contrat”. Celui-ci est à tacite reconduction et je ne pense pas qu’il y ait des limites au nombre possible de renouvellement. Le contrat permet de cotiser un peu et d’avoir une situation plus stable que les précédents contrats.
- Seishain (正社員) – Le sésame, l’équivalent du CDI dont le terme se traduit “employé régulier”. L’emploi à vie est ce contrat. Avec lui, les banques acceptent les demandes d’emprunts, les demandes de location d’appartements ne sont pas contraignantes, le visa illimité et à porté. Les cotisations sont nombreuses mais selon l’entreprise, les bonus annuels sont une réalité, l’augmentation régulière, les vacances “nombreuses”. Le contrat à obtenir en somme.
Postuler
Différemment de ce qui a cours en France, il y a deux voies distinctes pour rentrer dans une entreprise japonaise : Celle ou l’on sort de l’école ; Celle où l’on possède une expérience professionnelle.
Après les études
Cas bien spécifique, ce qui est appelé “Shushoku katsudo” (就職活動) est une institution – en aparté, la loi du travail japonaise a changé récemment et cette méthode va disparaitre dès 2020 mais elle est tellement ancrée que je la vois difficilement être abandonnée – où les élèves consacrent leurs dernières années d’études à trouver un travail. Encore en application dans beaucoup d’entreprises, c’est le “travail à vie”. Un jeune diplômé entre dans l’entreprise à la fin de ces études et ne la quittera qu’à la retraite. Il commencera par un travail ayant très peu de rapport avec les études qu’il aura faites et passera ses premières années à apprendre les métiers qui lui seront affectés. Promotion interne annuelle, au bout de dizaines d’années il n’est pas impossible qu’il termine sa carrière en tant que CEO de l’entreprise.
Pour pouvoir postuler selon cette méthode, il faut être étudiant au Japon. L’école guidera l’élève pour les inscriptions dans les différents événements de recrutement. Les sites internet des sociétés où l’on postule ont une section consacrée à cette voie mais il y a des aggrégateurs bien plus utilisés tels que mynavi et une simple recherche de programmeur de jeux vidéo dans la région de Kyoto me renvoie 6 résultats dont les entreprises connus sont Koei-Tecmo et HAL.
Je déconseille personnellement, et même si vous êtes étudiant dans une école japonaise, de postuler selon cette méthode si vous n’êtes pas vous-même japonais. Ne sachant pas comment entrer autrement dans une entreprise, j’en ai fait les frais. On se retrouve en compétition avec des centaines de personnes aux cv de jeunes diplômes équivalents mais on part avec le handicap de ne pas être natif. Avec cela, les entreprises cherchant les meilleurs élèves, le recrutement est assez dur en plusieurs étapes, avec contrôles de connaissances ou de mathématique poussés. Il faut voir cela comme des épreuves de bac écrite et orale, mais en langue japonaise. Très mauvais souvenirs.
Avec expériences professionnelles
La façon la plus simple pour obtenir un travail est d’aller sur le site web de l’entreprise, regarder s’ils ont du boulot et y postuler. Chaque site internet a une section de recrutement nommée “saiyo joho” (採用情報) souvent située en bas de page.
Après, passer par une agence de recrutement ou être parrainé par un ami y travaillant, sont les meilleurs moyens d’accéder à un premier entretien. Je le conseille fortement si vous le pouvez.
Aller faire du porte-à-porte est aussi une méthode qui a fonctionné à plusieurs reprises. Qui ne tente rien n’a rien.
Étude de cas
Prenons l’exemple d’un cas concret où je souhaite travailler sur le prochain Final Fantasy.
Pour cela, rendez-vous sur le site internet japonais de Square Enix et cliquons en haut à droite de l’écran sur le menu 採用情報.
On se retrouve face à deux boutons qui correspondent aux deux voies décrites précédemment.
キャリア探用 → Les postulants ayant une carrière professionnelle.
新卒業探用 → Les postulants étant jeune diplômé.
Ici, j’appuie sur le bouton キャリア探用 pour entrer dans un menu de choix du métier.
Et, comme rarement vu mais c’est tout de même sqex, on aperçoit un menu de recrutement en anglais.
Le recrutement dans la langue de Keith Flint est tout de même restreints puisque la page inscrits une quinzaine d’emplois au total dans tous les secteurs, là où la section “programmeur” en japonais présente à elle seule une vingtaine de postes.
En revenant au menu en Anglais, je clic sur le métier voulu et j’y lis le descriptif du poste. En bas de celui-ci, en cliquant sur le bouton エントリーする (postuler) j’accède au formulaire de recrutement.
Je ne vais pas aller plus loin mais à la fin de celui-ci j’ajouterai les fichiers tels que le cv japonais et un portfolio puis en validant ma demande, je recevrai un mail de prise en compte de celle-ci et je n’aurai plus qu’à attendre une dizaine de jours un second mail m’informant si je vais plus loin dans les étapes de recrutement ou si j’ai échoué.
Différemment de ce qui a cours en France, j’ai reçu des réponses, même si bien souvent elles étaient négatives, dans 99% de mes demandes.
Lire une offre
Très souvent, une fourchette de salaire est indiquée pour le poste présenté. Étonnement le site de recrutement de SQEX n’en fournit pas, je suis déçu mais cela me permet de commenter à partir de la source d’inspiration de ce billet, le site web de Nintendo.
Ici aussi on retrouve donc les deux boutons キャリア探用 (Expérience professionnelle) et 新卒業探用 (les étudiants) ainsi qu’exceptionnellement un troisième nommé プロジェクト探用 qui se traduit par “recherche par projet” et qui contient deux annonces spécifiques à la licence “Legend of Zelda”, soit un travail de graphiste 3d et un autre de level designer pour des emplois base à Kyoto.
C’est intéressant, je vais donc décrire cette annonce de level designer divisée en 9 sections :
1- Description du poste
Ici, créer les niveaux du jeu tel que les donjons ainsi que les ennemis s’y placant.
2- Aptitude
La personne doit avoir une expérience professionnelle similaire et doit pouvoir s’exprimer couramment en Japonais.
3- Étape de recrutement
Après la sélection selon ce que le candidat aura rempli sur le formulaire, il y aura un test puis 2 entretiens. C’est une procédure assez classique, test de compétence, puis un premier entretien technique avec les managers de la team avec qui l’on sera amené à travailler, suivi d’un second entretien avec des personnes plus haut placé où l’on parle des salaires et des conditions de travail.
4- Type de contrat de travail
Pour cette annonce, c’est un contrat “keyakushain”. Il est précisé qu’il y a une période d’essai de 3 mois (dans celle-ci le contrat peut s’arrêter à tout moment) puis après les contrats s’enchaineront jusqu’à la fin du projet. Je suis surpris que le contrat ne soit pas un “seishain” mais cela doit vouloir dire que le prochain opus de la licence Zelda est dans une phase de production demandant beaucoup de ressources humaines à l’heure actuelle qui ne seront plus nécessaires une fois le jeu bouclé
5- Salaire
La partie qui a le plus grand encadré.
La partie supérieur indique une fourchette de salaire annuelle entre 3.800.000 yens (30.046,77 euros) et 8.100.000 yens (64.047,05 euros) selon l’experience. Ensuite, ils ajoutent un exemple d’évolution de salaire possible pour un employé partant du salaire minimum où il atteint 4.700.000 yens (37.159,93 euros) au bout de 5 ans, 5.500.000 yens (43.485,02 euros) au bout de 10 ans et 6.800.000 yens (53.760,88 euros) au bout de 15 ans. Je reviens en détail sur la portée de ses chiffres dans les paragraphes consacré aux bonus et ceux aux grades dans la suite de ce billet.
La partie inférieure contient le montant des aides au déménagement et au logement. 47.500 yens (375 euros) par mois de loyer pris en charge pour une personne célibataire et 66.500 yens (525 euros) pour une famille. Une recherche rapide me permet de trouver qu’un 2LDK (appartement avec 2 pièces, un salon, une cuisine et une salle à manger) dans la région se loue à 85.000 yens (670 euros), plus de la moitié sont donc pris en charge. Les aides au déménagement ont elles un montant suffisamment élevé pour que celui-ci soit pris complètement en charge.
6- Indemnités et bien-être
Assez classiques, ils comprennent les frais de transport entièrement payé, une allocation de logement et une mutuelle.
À cela, je lis qu’il y a aussi des “frais de déménagement” et une “aide au réemploi”. Le premier comprend les frais engendrés par la venue sur Kyoto, beaucoup d’employé du secteur du jv travaillant sur Tokyo, les frais de déménagement doivent être pris en charge pour attirer les postulants. Le second prend en compte le fait que ce sont des keyaku et donc une aide à trouver un emploi à la fin du projet
7- Lieu de travail
Kyoto, avec l’adresse précise qui nous permet de regarder sur google street le joli bâtiment : 京都市南区東九条南松田町2番地1
8- Heures de travail
Ce sont des journées de 7h45 de travail, soit environ 39h par semaine.
Il est demandé que l’employé soit présent à son poste dans la période de 9h30 à 16h30 à l’exception d’1h obligatoire pour la pause déjeunée.
Ce qui doit donner dans les faits des journées commençant à 9h30 et se terminant à 18h15
9- Repos et vacances
Samedi et dimanche ne sont pas travaillé ainsi que les jours fériés du calendrier. Ensuite, on retrouve les 10 jours de congé annuel, un jour pour le mois de son anniversaire, 3 jours pour les vacances d’été et 3~4 jours pour les vacances de fin d’année.
C’est un contrat très classique. Pas de moins, pas de plus par rapport à la norme. Les aides au déménagement et au logement sont eux bien appréciés. Toutes les entreprises ne le font pas.
Sur cette annonce précise, personnellement, seul le prestige de la licence – et je tiens à dire que c’est un très très gros argument – me ferait postuler à ce poste. Les inconvénients que j’y vois sont un salaire basique, un contrat temporaire qui même s’il est garanti est temporaire (en keyaku plus difficile de demander en emprunt pour changer de voiture), et un déménagement de toute la famille sur Kyoto.
Ce n’est que cette annonce qui ne convainc pas entièrement, en fouillant un peu, les annonces en seishain sont elles bien plus intéressantes par l’ajout des bonus qui ont filtré sur internet mais les keyaku ne sont pas concernés par ces avantages.
Précisions sur les montants
Avant d’entrer dans le détail, et comme lorsque j’ai décris le montant des aides, je vais écrire les montants en yens et indiquer entre parenthèses un montant en euros que j’ai convertis grâce au site XE.
Les montants en euros sont à titre indicatif pour vous donner une échelle de valeurs. Il ne faut pas comparer les salaires donnés avec ceux existant en France, le coût de la vie étant nettement différent.
Maintenant, pour donner une base à cette échelle de valeurs, je vais indiquer un salaire minimum. À ma connaissance, il n’y a pas au Japon l’équivalent du Smic français, mais les contrats “arubaito”, les contrats les moins bien payé, permettent de nous donner une valeur au salaire minimum.
Le baito est toujours un contrat dont les tarifs sont négociés à l’heure. Ceux-ci sont affichés à l’entrée des magasins/restaurants recherchant des employés précaires. Ce salaire horaire change d’une région a l’autre. Il est en moyenne de 720 yens (5,68 euros) dans la région de Niigata où j’ai passé mes premières années au Japon, et de 1.200 yens (9,48 euros) à Tokyo.
Internet m’indique qu’un baito est négocié environ 1.000 yens (7,9 euros) à Kyoto. Ce tarif multiplié par 8h de travail par jour, multiplié par 20 jours par mois donne un salaire mensuel de 160.000 yens (1.263,70 euros) permettant d’affirmer que c’est le salaire minimum pour vivre décemment sur Kyoto, soit pour une personne célibataire avoir un petit appartement, permettre de se nourrir et garder de l’argent pour quelques loisirs. Je le disais plus haut, le contrat “baito” n’ayant pas de cotisation ce montant est en net.
Les salaires en entreprise étant toujours négociés à l’année, 1.920.000 yens (15.165,58 euros) net par an est le strict minimum à négocier. L’offre de Nintendo propose un salaire annuel minimum de 3.800.000 yens (30.017,67 euros) brut.
Bonus et incentives
Le bonus est un élément récurrent du monde du travail japonais. La norme était que deux fois dans l’année, au milieu de l’été et à la fin de l’année, l’employé recevait x fois son salaire sous forme de prime. J’utilise le passé car lors de la période dite de “la bulle économique”, il était courant que les montants atteignent 3 fois le salaire à deux reprises la même année.
Cette période est terminée et le bonus a été remis en question dans bien des lieux. J’ai travaillé dans des entreprises qui n’en proposaient pas ainsi que dans d’autres qui donnaient un salaire supplémentaire à deux reprises dans l’année.
Les bonus sont une prime fixe définie par l’entreprise. Ceux-ci ne sont pas liés aux résultats de cette dernière. Qu’elle fasse des bénéfices monstres ou des pertes énormes, les bonus seront présents. À noter qu’en cas de pertes terribles, exceptionnellement le bonus pourra être retirer, mais c’est rare.
Les bonus sont inclus dans le salaire annoncé.
Les “incitations” sont des primes liées aux résultats et données une fois par an. Elles n’existent pas partout et je ne lis aucune informations à ce sujet dans les fiches de Nintendo. Elles varient complètement d’une année sur l’autre et peuvent même ne pas être verse si l’année fût mauvaise. Étant variable, elles ne sont pas incluses dans les négociations du salaire mais leur montant peut quand même atteindre plusieurs milliers d’euros.
Le salaire annuel moyen d’un employé de Nintendo parmi tous les seishain est de 9.030.000 yens (71.222,02 euros) avec deux bonus de 3 mois de salaires, comme à la grande époque. En divisant donc ce chiffre par 18 mois de salaire 501.666 yens (3.956,65 euros) de moyenne de salaire mensuel. C’est déjà bien sur Tokyo, mais sur Kyoto un salaire comme celui-ci est royal.
Seulement, avec de nombreux employés ayant beaucoup d’anciennetés, leurs salaires confortables doivent augmenter artificiellement la moyenne. De plus, les keyakushain comme la fiche etudie ou les freelancers ne sont pas pris en compte.
En prenant le salaire de celui d’un jeune diplômé, ils varient entre 211.500 yens (1.668,37 euros) et 258.000 yens (2.035,17 euros) selon le niveau d’études. Ce n’est pas indiqué si c’est avant impôts mais le montant est probablement brut. Ce qui nous donne un salaire annuel de 3.807.000 yens (30.031,56 euros) a 4.644.000 yens (36.634,76 euros).
Mensuellement c’est plutôt bas, mais les bonus rattrapent le tout pour donner un salaire correct mais pas énorme au bout de l’année. Seulement ce salaire est destiné à des employés qui ne feront pas grand-chose la première année. C’est probablement justifié ainsi.
Heures supplémentaires
Les employés japonais renvoient une image où ils travaillent beaucoup d’heures par jour. Ce n’est pas tout à fait vrai, disons plutôt qu’ils restent sur leur lieu de travail jusque tard le soir. La loi japonaise fixe un premier plafond d’heures supplémentaires à 45h par mois qui peut-être dépassé jusqu’à 100h. Au-delà, la loi est punitive.
En exemple concret dans mon entreprise, la fin de journée de travail est fixé à 19h mais plus de la moitié des membres de la team restent jusqu’à 20h et un bon 1/5ème est encore présent au-delà de 21h tous les jours. Ils ne restent pas forcément parce qu’ils ont du travail, certains si, mais ce n’est pas l’habitude, ils ne restent pas parce qu’ils sont en train de travailler. C’est vraiment une façon de vivre son travail, ne pas imposer de séparation entre la vie privé et professionnelle fait qu’ils se comportent comme “chez un ami” sur leur lieu de travail.
La loi japonaise calcul différemment le taux des taxes sur les heures supplémentaires. De nombreuses entreprises japonaises du secteur du jv savent pertinemment que leurs employés, quoiqu’ils soient incités, resteront tard le soir. Si bien qu’elles incluent de base dans tous les salaires un pack de 45h supplémentaires. Qu’elles soient effectuées ou non, elles seront incluses. Cela correspond à quasiment 2h30 des heures supplémentaires par jour. Ce n’est qu’en dépassant ces 45h, ou en travaillant au-delà de 22h un jour donnée, que l’ont reçois sur le salaire une augmentation correspondante.
Après renseignement Nintendo n’utilise pas ce pack, mais je ne suis pas certains de mes informations et il est le seul à ma connaissance à procéder ainsi.
L’employé est techniquement perdant sur ce pack. La paie n’est pas augmentée par rapport à une entreprise concurrente puisque tout le secteur du jv est concerné. Le pack n’est pas soumis aux mêmes impôts si bien qu’il n’y a pas de cotisations sur ces montants. Même en finissant à 22h tous les jours, la paie n’est pas augmenté, pire, si habituellement les horaires sont respectés et qu’exceptionnellement l’entreprise demande de travailler un week-end, celui-ci rentrant dans le pack ne sera aucunement compensé.
Congé Payés
J’introduits au paragraphe précédent que les employés Japonais renvoient une image de grands travailleurs du fait qu’ils effectuent beaucoup d’heures supplémentaires, et j’ajoute aussi qu’on leur attribue le fait de prendre peu de congés. Sur ce dernier point, c’est tout à faire vrai, beaucoup d’employés prennent trop peu de congés, et l’image n’est pas redorée par ceux qui en prennent puisqu’ils les consomment un jour par-ci, un jour par-là.
Un nouvel employé dans une entreprise reçoit 10 jours de congé payes par an. Il gagne un jour supplémentaire par année travaille jusqu’à un maximum de 20 jours de congé annuel. Si l’employé change d’entreprise, le compteur est remis à zéro, et il doit cumuler à nouveau 10 années pour retrouver ces 20 jours.
Ces 10 jours donnés sont des jours de repos et non pas des jours de vacances. C’est assez mal vu au Japon de partir plus de 3 jours en congés sans avoir une excuse “valable”. D’ailleurs les ” grandes vacances d’été” à la mi-août appelé “obon yasumi”, n’excèdent pas 3 jours. Les excuses possibles sont peu nombreuses, naissance d’un enfant, mariage, mort d’un proche, maladie. Oui, prendre une journée quand on est malade, c’est consommer un jour de repos. Si on attrape la grippe et que l’on reste 5 jours au lit, c’est la moitié des congés annuels qui disparaissent.
Le calendrier Japonais disposent de 16 jours fériés ( https://www.joursferies.fr/pays/japon.php ) (11 jours en France) qui permettent un peu de compenser. Une bonne initiative du gouvernement est qu’un jour férié tombant un dimanche est reporté au lundi permettant à tous de bénéficier de 3 jours de repos d’affilés.
Les entreprises du jv offrent aussi quelques bénéfices de ce côté-ci en ajoutant un jour de congés le mois de son anniversaire, et 5 jours (!) disponible tous les 2 ans nommés “refresh break”.
Voilà, ayant peu de jours, ne pouvant les prendre en une seule fois, les employés se retrouvent à les consommer en les dispersant un peu partout, en général proche des week-end à rallonge pour les agrandir un peu plus.
Objectifs et négociations annuelle
La norme est que chaque année, le salaire est réévalué. Son augmentation ou sa diminution dépendent de l’évaluation des objectifs. La façon de calculer cette évaluation change d’une entreprise à l’autre, la période, le système de notation, le nombre à remplir, mais l’ensemble reste similaire.
Je vais décrire le processus complet qui a cours dans une des entreprises pour laquelle j’ai travaillé.
Au début d’une période de 6 mois (Janvier et Juillet), l’employé a rendez-vous avec le manager ou il présente les 5 objectifs de travail qu’il s’est fixé pour les 6 mois à venir. Ils ne doivent avoir aucun lien avec les tâches courantes, mais ils doivent correspondre avec le projet en cours ou l’amélioration du travail à la boîte et ils doivent être facilement prouvable. De temps en temps le manager aide à trouver les objectifs, mais plus souvent, c’est à l’employé de fixer ce qu’il doit réaliser. J’ajoute qu’ils doivent aussi comporter une dose de challenge. Un objectif facile à remplir n’est jamais validé.
Ensuite, l’employé doit se fixer un pourcentage de valeur pour chaque objectif.
Il peut mettre les 5 objectifs à égalité à 20% mais il est conseillé de mettre un objectif réalisable à 50% qui compensera d’autres objectifs qui n’auraient pu être rempli. Un peu le même principe que les coefficients des diverses matières dans les diplômes en France.
En dernier, il doit fixer le barème de notation. Chaque objectif est noté de 1 à 5, 5 étant la note maximale. Il doit donc écrire, sous le contrôle de son manager, que si dans l’objectif il arrive à réaliser tel étapes, il recevra un certains nombre de points.
Je vais donner un exemple de ma propre expérience pour illustrer.
Je me suis fixé l’objectif d’apprendre le langage python que je ne connaissais pas et qui est utilisé sur les serveurs de build pour créer les différentes versions du jeu via des lignes de commande lancé depuis la messagerie interne. Je lui ai mis 30% sur le total. Pour le barème, il y a 1 point par défaut, il ne faut rien définir. Sur ce, j’indique alors que j’aurai 2 si j’apprends le langage et que je montre un petit programme comme une todo liste, 3 si je recrée une commande similaire à l’actuelle (donc inutile pour le projet), 4 si je crée une commande utile, 5 si la commande est plus performante que le système actuel et la remplace.
Au bout donc des 6 mois (en juin et en décembre) l’employé a un nouveau rendez-vous avec le manager. Il doit se noter lui-même selon le barème qu’il avait défini en justifiant ses choix via démonstrations. Puis, en fonction du pourcentage de valeur d’une tache et de la note qu’il a eu, il obtient un score finale sur 5.
Prenons exemple ou il aurai bien travaillé avec un objectif à 40% où il a eu 4, 2 objectifs à 25% où il a eu 3 et 2 objectifs à 5% où il a eu 1, il reçoit la note de : 1.6 + 0.75×2 + 0.05 x 2 = 3.2 points.
Un mois plus tard (à nouveau en Janvier et Juillet, mais avant de choisir les objectifs suivants) il reçoit le résultat de son évaluation. En fonction de son score, il apprend le montant de l’augmentation du salaire, de sa stabilité, ou de sa diminution.
Autour de 3 points le salaire ne reçoit pas de changement.
Au-dessus de 3.5 points et jusqu’aux 5 le salaire augmente. Plus on est proche du 5, plus il augmente.
Et pour finir, en dessous de 3 points, le salaire baisse. Plus on se rapproche de 1, plus il baisse avec le maximum de 10% du salaire total.
Grade et rang
Au Japon, tous les employés ont un grade et un rang.
Les valeurs de grade et de rang changent d’une entreprise à l’autre. Dans ce point aussi, je vais utiliser en exemple ce qui avait lieu dans une des entreprises pour lequel j’ai travaillé.
Le grade est une valeur entre 1 à 8, 1 étant le boss, 8 le sous-fifre, et pour chaque grade, il y a un rang de 1 à 10. 1 étant le plus haut rang.
La fourchette de salaire est définie en fonction du grade et du rang.
Par exemple, le salaire annuel de 6.500.000 yens (51.387,64 euros) correspond au grade 5-8.
Lors de l’entretien, il est demandé le salaire que le postulant souhaite acquérir. Si le futur employé demande 6.5 millions de yens, la personne passant l’entretien regardera la grille de salaires et verra que cela correspond au grade 5-8. En employé ayant ce grade doit savoir réaliser des tâches propres à ce niveau de rémunération. Si l’interviewer estime que l’interviewé remplis les conditions, il lui donnera le grade 5-8 avec le salaire voulu. À l’inverse, il estime quel grade il le juge, puis suivant sa grille de salaires, il lui propose une somme inférieur à ce qui est demandé. Au postulant d’accepter ou non la nouvelle proposition.
La négociation principale à l’embauche se situe donc ici. Le postulant doit prouver qu’il mérite le rang du salaire qu’il demande.
Décomposition du salaire
Pour cette dernière partie, je montre comment se découpe un salaire au Japon en prenant appuie sur ma feuille de paie. Afin de garder un peu de confidentialité, je transforme tous les montants en pourcentage.
A → Le salaire de base
B → Le pack des 45 heures supplémentaires
C → Le remboursement total des trajets en trains
L’ensemble des 3 me donnant le total du salaire brut.
u → A + B → Montant total sur lequel les impôts sont pris en compte
v → C → Montant exempté d’impôt soit le remboursement des trajets en trains
w → A + B + C → Montant total reçu qui se trouve être le même que le salaire brut
1 → Assurance maladie
2 → Assurance retraite
3 → Assurance chômage
4 → Impôt sur le revenu
5 → Taxe d’habitation
D → Déduction total
20% du salaire part donc en taxes diverses.
Les points 4 et 5 sont ce qui a fait débat en France sous le nom de prélèvement à la source. A savoir qu’ici, c’est un choix qu’il soit retiré mensuellement de mon salaire. Il suffit d’aller à la mairie de sa ville pour demander à ce que le paiement soit mensuel, trimestriel ou annuel.
x → Total des assurances
y → Total de l’impôt sur le revenu
z → Montant net total. Il est séparé en 2 colonnes pour préciser ce que l’on gagne et de ce que l’on reçoit sur le compte en banque. Je soupçonne que c’est lié aux personnes ayant des pensions alimentaires prélevées directement depuis le salaire et qui ne reçoivent pas sur leur compte bancaire la totalité de ce qu’il gagne.
Conclusion
J’avais plus de choses à raconter que ce que je pensais. Au fil de l’écriture, j’ai essayé d’ajouter un maximum d’informations que l’on retrouve peu sur les différents sites web traitant du sujet afin de faire un tour complet. C’est de loin le plus long billet de ce blog, merci à ceux qui l’ont parcouru en entier. J’espère que cela aidera du monde à mieux comprendre comment ce vie le marché du travail dans ce pays.
Si vous voulez commenter ou si vous avez des questions, je suis accessible sur Twitter, Mastodon, et via le formulaire dans la section contact.
Aussi, si vous voulez reprendre le contenu de ces textes, je vous en prie, faites en bon usage.
Merci à nouveau d’avoir parcouru ce post. C’est plaisant de parler de ces sujets, je reviendrai décrire le Japon dans les semaines à venir.
Ajout du 23 Mars 2022 :
Je viens d’écrire un billet complémentaire sur le visa permanent en accès sur ce lien, bonne lecture.